Des jeunes sortant du conseil de révision en 1940 à Tyrosse |
en attendant des articles sur le Jardin Zinzin et sur les débats sur la transition énergétique, dont le dernier est aujourd'hui à 20h à la Salle Municipale de Capbreton, ne l'oubliez pas ! voilà un document sur l'actualité de nos villages landais.
Bonne lecture !
A
Saubrigues, dans les Landes, la Mayade
ou comment
les jeunes quittent définitivement
l’enfance
un verre à la main
La
Mayade est la fête du printemps, célébrée dans Les Landes, mais aussi en
Alsace, en Allemagne (à Munich par exemple). L’érection d’un arbre sur la place
publique est le point commun entre ces différents rites.
Cette
fête met en valeur la jeunesse du village, au moment du passage à l’âge adulte.
Elle est célébrée différemment d’un village à l’autre des Landes.
La Mayade et la conscription
Monsieur
Destribats Camille, né à Saubrigues dans l’entre deux-guerres, se souvient de
la fête de la Mayade avant la guerre de 1939-45. Les « mayés »
étaient les garçons et les filles dans l’année de leurs 19 ans. La fête en leur
honneur se tenait avant le conseil de révision.
Qu’est-ce
qu’était alors le conseil de révision ? C’était l’instance de recrutement
sur les territoires des jeunes gens à incorporer au service militaire. Tous les
jeunes gens valides étaient recrutés dans l’armée à l’âge de 21 ans. L’année
précédente, ils étaient sélectionnés dans les cantons par un conseil de
révision, où siégeait un représentant du sous préfet, des maires du canton et
des médecins. Tous les jeunes gens devaient passer en tenue d’Adam devant ces
personnes, ils étaient pesés, mesurés, auscultés par les médecins. Le verdict
tombait : bon pour le service, ou bien ajourné (momentanément, comme par
exemple le temps de soigner une maladie) ou encore exempté.
Il
était fort important pour les jeunes d’être considérés comme « bon pour le
service », car dans le cas contraire ils risquaient de perdre la
considération du « sexe opposé » !
Après
la guerre, le recrutement s’est modernisé, et « externalisé » avec la
mise en place au sein de l’armée des « 3 jours ». Les jeunes gens
étaient mayés à 18 ans, puis l’année suivante, à 19 ans, ils partaient faire
leur service. Plus tard, le service a perdu son caractère obligatoire.
Quelle
forme prend aujourd’hui, à Saubrigues, la Mayade ?
Chaque
année ce sont tous les jeunes gens et filles de 19 ans qui entrent dans la
danse. Dès le début d’année ils se procurent les adresses des jeunes de la
commune de leur classe d’âge. Ils se réunissent et élisent un bureau qui gèrera
l’organisation et le budget. Ils se choisissent un parrain et une marraine (ce
qui n’existait pas avant guerre). Ensuite ils font des quêtes en porte à porte
dans tout le village. A
cette occasion, les nouveaux Saubriguais découvrent la tradition de la mayade
au village.
Elément
essentiel : les mayés se procurent un Mai : un pin d’éclaircissage,
dont on laisse le bouquet final. Ils dressent le Mai le 30 avril sur la place
du village, et ils le décorent avec l’aide du parrain et de la marraine. Ils se
font aider également par les jeunes d’un an leurs cadets qu’ils appellent
« aide mayés ».
Les
décorations ne sont pas laissés à la libre création des mayés : tout au
sommet flotte le drapeau français, des guirlandes sont tressées à partir du
bouquet apical, des couronnes complètent l’habillage du pin. Monsieur
Destribats se souvient qu’avant guerre il y en avait 3. Maintenant elles sont
au nombre de 5, en référence semble-t-il à la 5ème République. En
bas du tronc un écriteau est fixé : « Vive la classe X». Il
s’agit de mettre en avant l’année des 20 ans des mayés. Ainsi par exemple les
mayés de 2013, né(e)s en 1994, vont afficher « Vive la classe 2014 ».
Le
Mai de la place est bien éphémère car depuis quelques années, la rivalité entre
jeunes de villages voisins prend la forme d’un affrontement symbolique :
le jeu consiste à abattre le Mai du voisin la nuit même de son érection.
Les
jeunes Saubriguais dressent également un Mai chez le maire. Celui-ci ne sera
pas attaqué.
Dans
d’autres cantons, les jeunes installent un Mai chez les conseillers
municipaux qu’ils veulent mettre à
l’honneur. L’installation du pin doit se faire dans la discrétion. Chaque
personne honorée offre un repas en retour, ce qui donne l’occasion aux jeunes
de faire plusieurs repas conviviaux avec les adultes du village dans le courant
de l’année.
La
communauté est ainsi célébrée à travers l’hommage aux élus. A Saubrigues, les
mayés faisaient traditionnellement une tournée de visites d’une maison de
conseiller à l’autre … et finissaient souvent la journée très avinés !
Depuis un an, le conseil municipal offre un repas aux mayés dans un local
communal. Cela remplace parfois les visites de maison en maison.
Avec
les sommes récoltées, les mayés organisent un grand bal, ouvert à tous (avec
une participation aux frais), dans le hall des sports du bourg.
Les
mayés de l’année peuvent participer également à des célébrations dans le
village : comme celle du 8 mai au monument aux morts.
Un rite initiatique
La
tradition de la Mayade nous semble intéressante car elle a plusieurs signifiés
: fêter le printemps et la jeunesse porteuse d’espoir pour le village, tout en
affichant la loyauté aux institutions politiques du pays, et en organisant la
transmission entre les aînés et les plus jeunes.
Une
tradition héritée des temps anciens : La Mayade marque la vie du
territoire, elle célèbre l’arrivée du printemps, et le renouveau. Organiser et
vivre la Mayade permet aux jeunes de se retrouver, après s’être perdus de vue
au lycée. Elle a dû depuis toujours favoriser les unions entre jeunes du même
âge, du village, ou des villages voisins, puisque les mayés iront de bal en
bal. Rappelons nous que le mois de mai tient son nom de la déesse romaine Maïa,
déesse de la fertilité et du printemps !
Une
tradition qui s’inscrit dans la communauté locale et nationale : comme un
rite initiatique la Mayade permet la transmission et le changement de statut.
« Après, il faut passer à autre chose » nous a confié un ancien
mayés. La transmission se fait
entre les jeunes d’une part : ils se font le relais d’année en année des
us et des coutumes de la fête ; et d’autre part, entre les élus du village
ou « notables » (parrainage) et les jeunes adultes. Les aînés en les
recevant à leur table peuvent leur confier les histoires du village et tout un ensemble de traditions, dont
celle du bien manger et du bien boire ! S’être enivré(e)s en présence des
adultes consentants et bienveillants sera pour beaucoup le souvenir marquant de
l’année.
La
Mayade fait également référence à l’organisation de la Nation : le drapeau
tricolore est hissé, la Vème république est évoquée, les adultes référents sont
ceux élus par les urnes, et le lien avec la conscription est encore très
présent dans les esprits. Elle vient également « occuper le terrain »
en contrepoint des fêtes religieuses nombreuses du printemps.
A travers les différentes étapes de la Mayade jeunes gens et jeunes
filles sont reconnu(e)s comme membres à part entière de la communauté, et
affichent qu’ils se reconnaissent en elle.
Dans
des villages qui ont une forte augmentation démographique, cette fête a une
fonction sociale : elle permet d’intégrer les jeunes arrivés récemment aux
jeunes du cru, pour favoriser le lien social dans le village.