mardi 30 avril 2013

Une actu de saison : la Mayade

Des jeunes sortant du conseil de révision en 1940 à Tyrosse
Bonjour,
en attendant des articles sur le Jardin Zinzin et sur les débats sur la transition énergétique, dont le dernier est aujourd'hui à 20h à la Salle Municipale de Capbreton, ne l'oubliez pas ! voilà un document sur l'actualité de nos villages landais.

Bonne lecture ! 





A Saubrigues, dans les Landes, la Mayade 
ou comment les jeunes quittent définitivement
l’enfance un verre à la main

La Mayade est la fête du printemps, célébrée dans Les Landes, mais aussi en Alsace, en Allemagne (à Munich par exemple). L’érection d’un arbre sur la place publique est le point commun entre ces différents rites.

Cette fête met en valeur la jeunesse du village, au moment du passage à l’âge adulte. Elle est célébrée différemment d’un village à l’autre des Landes.

La Mayade et la conscription
Monsieur Destribats Camille, né à Saubrigues dans l’entre deux-guerres, se souvient de la fête de la Mayade avant la guerre de 1939-45. Les « mayés » étaient les garçons et les filles dans l’année de leurs 19 ans. La fête en leur honneur se tenait avant le conseil de révision.
Qu’est-ce qu’était alors le conseil de révision ? C’était l’instance de recrutement sur les territoires des jeunes gens à incorporer au service militaire. Tous les jeunes gens valides étaient recrutés dans l’armée à l’âge de 21 ans. L’année précédente, ils étaient sélectionnés dans les cantons par un conseil de révision, où siégeait un représentant du sous préfet, des maires du canton et des médecins. Tous les jeunes gens devaient passer en tenue d’Adam devant ces personnes, ils étaient pesés, mesurés, auscultés par les médecins. Le verdict tombait : bon pour le service, ou bien ajourné (momentanément, comme par exemple le temps de soigner une maladie) ou encore exempté.
Il était fort important pour les jeunes d’être considérés comme « bon pour le service », car dans le cas contraire ils risquaient de perdre la considération du « sexe opposé » !

Après la guerre, le recrutement s’est modernisé, et « externalisé » avec la mise en place au sein de l’armée des « 3 jours ». Les jeunes gens étaient mayés à 18 ans, puis l’année suivante, à 19 ans, ils partaient faire leur service. Plus tard, le service a perdu son caractère obligatoire.

Quelle forme prend aujourd’hui, à Saubrigues, la Mayade ?

Chaque année ce sont tous les jeunes gens et filles de 19 ans qui entrent dans la danse. Dès le début d’année ils se procurent les adresses des jeunes de la commune de leur classe d’âge. Ils se réunissent et élisent un bureau qui gèrera l’organisation et le budget. Ils se choisissent un parrain et une marraine (ce qui n’existait pas avant guerre). Ensuite ils font des quêtes en porte à porte dans tout le village. A cette occasion, les nouveaux Saubriguais découvrent la tradition de la mayade au village.
Elément essentiel : les mayés se procurent un Mai : un pin d’éclaircissage, dont on laisse le bouquet final. Ils dressent le Mai le 30 avril sur la place du village, et ils le décorent avec l’aide du parrain et de la marraine. Ils se font aider également par les jeunes d’un an leurs cadets qu’ils appellent « aide mayés ».
Les décorations ne sont pas laissés à la libre création des mayés : tout au sommet flotte le drapeau français, des guirlandes sont tressées à partir du bouquet apical, des couronnes complètent l’habillage du pin. Monsieur Destribats se souvient qu’avant guerre il y en avait 3. Maintenant elles sont au nombre de 5, en référence semble-t-il à la 5ème République. En bas du tronc un écriteau est fixé : « Vive la classe X». Il s’agit de mettre en avant l’année des 20 ans des mayés. Ainsi par exemple les mayés de 2013, né(e)s en 1994, vont afficher « Vive la classe 2014 ».

Le Mai de la place est bien éphémère car depuis quelques années, la rivalité entre jeunes de villages voisins prend la forme d’un affrontement symbolique : le jeu consiste à abattre le Mai du voisin la nuit même de son érection.

Les jeunes Saubriguais dressent également un Mai chez le maire. Celui-ci ne sera pas attaqué.

Dans d’autres cantons, les jeunes installent un Mai chez les conseillers municipaux  qu’ils veulent mettre à l’honneur. L’installation du pin doit se faire dans la discrétion. Chaque personne honorée offre un repas en retour, ce qui donne l’occasion aux jeunes de faire plusieurs repas conviviaux avec les adultes du village dans le courant de l’année.
La communauté est ainsi célébrée à travers l’hommage aux élus. A Saubrigues, les mayés faisaient traditionnellement une tournée de visites d’une maison de conseiller à l’autre … et finissaient souvent la journée très avinés ! Depuis un an, le conseil municipal offre un repas aux mayés dans un local communal. Cela remplace parfois les visites de maison en maison.
Avec les sommes récoltées, les mayés organisent un grand bal, ouvert à tous (avec une participation aux frais), dans le hall des sports du bourg.
Les mayés de l’année peuvent participer également à des célébrations dans le village : comme celle du 8 mai au monument aux morts.

Un rite initiatique
La tradition de la Mayade nous semble intéressante car elle a plusieurs signifiés : fêter le printemps et la jeunesse porteuse d’espoir pour le village, tout en affichant la loyauté aux institutions politiques du pays, et en organisant la transmission entre les aînés et les plus jeunes.
Une tradition héritée des temps anciens : La Mayade marque la vie du territoire, elle célèbre l’arrivée du printemps, et le renouveau. Organiser et vivre la Mayade permet aux jeunes de se retrouver, après s’être perdus de vue au lycée. Elle a dû depuis toujours favoriser les unions entre jeunes du même âge, du village, ou des villages voisins, puisque les mayés iront de bal en bal. Rappelons nous que le mois de mai tient son nom de la déesse romaine Maïa, déesse de la fertilité et du printemps !

Une tradition qui s’inscrit dans la communauté locale et nationale : comme un rite initiatique la Mayade permet la transmission et le changement de statut. « Après, il faut passer à autre chose » nous a confié un ancien mayés.  La transmission se fait entre les jeunes d’une part : ils se font le relais d’année en année des us et des coutumes de la fête ; et d’autre part, entre les élus du village ou « notables » (parrainage) et les jeunes adultes. Les aînés en les recevant à leur table peuvent leur confier les histoires du village et  tout un ensemble de traditions, dont celle du bien manger et du bien boire ! S’être enivré(e)s en présence des adultes consentants et bienveillants sera pour beaucoup le souvenir marquant de l’année.

La Mayade fait également référence à l’organisation de la Nation : le drapeau tricolore est hissé, la Vème république est évoquée, les adultes référents sont ceux élus par les urnes, et le lien avec la conscription est encore très présent dans les esprits. Elle vient également « occuper le terrain » en contrepoint des fêtes religieuses nombreuses du printemps.

A travers les différentes étapes de la Mayade jeunes gens et jeunes filles sont reconnu(e)s comme membres à part entière de la communauté, et affichent qu’ils se reconnaissent en elle.
Dans des villages qui ont une forte augmentation démographique, cette fête a une fonction sociale : elle permet d’intégrer les jeunes arrivés récemment aux jeunes du cru, pour favoriser le lien social dans le village.




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